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Jeûner pendant la pandémie, une fausse bonne idée?

Pendant 40 jours, les chrétiens se recentrent sur l’essentiel et se préparent à Pâques, c’est le carême. Un temps de renoncement associé à la pratique du jeûne. Une privation de plus pendant la pandémie? Catholiques et protestants répondent.
Suspendus aux lèvres de l’État, nous attendons tous avec impatience le passage au vert. Entre lassitude et espoir, le quotidien se construit au gré des fermetures et des réouvertures. Les verres en terrasse, les bonnes tables, les toiles de dernière minute et les spectacles réservés des mois à l’avance, comme les virées shopping sont devenus des souvenirs, et les privations usent.

Pendant ce temps, chez les chrétiens, catholiques comme protestants, on entame le carême. Quarante jours, du 17 février au 4 avril, pour se préparer à Pâques. Un retour à l’essentiel qui passe pour certains par la pratique du jeûne.

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Qu’elle soit alimentaire ou matérielle, pourquoi choisir librement la mise en quarantaine? «Le carême n’est pas un temps de privation, mais de renoncement volontaire pour laisser de la place à la spiritualité. La démarche est nourrissante, contrairement aux privations liées au contexte sanitaire qui, elles, nous assèchent», lâche Sarah Nicolet, pasteure à Delémont, dans le canton du Jura.

Même son de cloche du côté catholique. «Renoncer à soi-même et prendre sa croix à la suite de Jésus, affirme l’Évangile, ne consiste pas à s’automutiler pour le plaisir, mais au contraire, à laisser de côté ce qui nous encombre et nous empêche d’être nous-mêmes, à passer des soucis purement matériels aux préoccupations spirituelles, et ainsi à trouver notre bonheur en mettant nos pas dans ceux du Christ», abonde l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pratique à l’Université de Fribourg.

Un espace de liberté

Une démarche de détachement, donc, pour se révéler à soi-même. Un chemin de pénitence? «L’idée du jeûne n’est pas de se dépouiller par ascétisme puritain, mais bien de créer de l’espace, en mettant une pause dans des fonctionnements alimentaires ou de consommation», explique Benoît Ischer, chargé des questions en lien avec la transition écologique et sociale de l’Église réformée vaudoise et membre de l’équipe du projet œcuménique Détox’ la Terre, qui propose deux semaines de jeûne pour se confronter à la crise écologique actuelle et vivre une transformation dans son rapport à la création.

Résultat, pour ces chrétiens «lavés» des tracas matériels et quotidiens, la place se libère pour un dialogue avec Dieu. À les entendre, on est à mille lieues des privations que nous impose la pandémie depuis un an. Au contraire, le carême créerait ce que nous cherchons tous comme le Graal: un espace de liberté. «On ne fait pas « Carême de », mais « Carême pour ». Les épreuves dues à l’isolement relationnel et aux difficultés économiques peuvent trouver un sens si elles sont traversées et habitées par la lecture spirituelle, notamment celle de la Bible, la méditation et la prière, le partage de conversations en profondeur», pointe François-Xavier Amherdt. «Le carême est un temps à part dans l’année de préparation à Pâques. La semaine de jeûne permet de se déconnecter du temps ordinaire et d’ouvrir un espace de disponibilité à la rencontre de Dieu», ajoute Sarah Nicolet, qui accompagne des groupes de jeûneurs depuis trois ans.

Une expérience communautaire

Le carême n’est jamais aussi bien tombé. L’an passé, à Delémont, la semaine de jeûne coïncidait avec le semi-confinement. Sans hésitation, l’événement a été annulé: impossible d’être pleinement disponible pour entrer dans la démarche. «Cette année, c’est l’inverse. Dans une période d’incertitude et de lassitude, il y a une envie de prendre de la distance, la démarche prend tout son sens. Alors que nous sommes confrontés à nos limites humaines avec la pandémie, le jeûne devient une quête de transcendance», illustre la pasteure jurassienne.

Traditionnellement, le jeûne de carême s’inscrit dans une démarche communautaire, permettant aux participants de partager régulièrement pendant la semaine leur expérience personnelle et de se retrouver autour de textes bibliques et de méditations. Pas question d’y renoncer cette année, le groupe est plus que jamais un garde-fou contre à l’isolement. «Nous nous retrouverons pour des visioconférences ou des marches, selon les mesures sanitaires en vigueur. Ainsi, nous recréons une communauté éphémère qui n’est ni la famille, ni les proches et ça fait du bien», explique Sarah Nicolet. Un point aussi essentiel du projet Détox’ la Terre: «La pratique doit être accompagnée d’une démarche de partage qui permette d’interroger notre rapport à Dieu par rapport à la création, aux enjeux de justice et leur conscientisation», explique Benoît Ischer.

Un accent solidaire

Mais le jeûne ne compte pas que des adeptes parmi les chrétiens. «Je suis œcuménique, mais pas fusionnelle», avoue Nathalie Capó, pasteure de l’Église réformée évangélique du Valais. Si elle conçoit le jeûne comme ayant tendance à couper les gens les uns des autres, elle tient à la notion de partage. Pour elle, il s’agit de dépasser la pratique et de mettre un accent sur le social et la spiritualité écologique. Son carême, elle le résume par le texte biblique d’Esaïe 58: libérer les hommes enchaînés, partager son pain, vêtir celui qui est nu. Elle rappelle d’ailleurs, «qu’en bonne théologie et dynamique protestante, la pratique du carême n’ajoute rien au salut, qui est déjà pleinement donné.» Pas question donc de priver les enfants de chocolat, sous prétexte que c’est le carême, sans explication. «Pourquoi ne pas prendre le temps de leur expliquer que Jésus a donné sa vie? Pourquoi ne pas inviter les enfants à donner des jouets ou des habits à une association?».

Plus que les 40 jours qui précèdent Pâques, c’est Vendredi-Saint et la résurrection sur lesquelles la pasteure met l’accent, notamment dans ses prédications. Quant au carême, elle l’envisage dans une démarche de solidarité, qu’elle avoue ne jamais rompre le reste de l’année, «nous sommes bien chrétiens tout l’année!». D’ailleurs, avec le jeûne et la prière, l’aumône constitue l’un des trois piliers du carême, relève le professeur de théologie pratique.

Après une année de privations, en 2021, si le carême ne résonne pas différemment d’un autre pour la pasteure en Valais, pour François-Xavier Amherdt, «si le Carême 2021 met certains « en crise » – au sens du grec de discernement –, il peut amener à une véritable transformation et transition intérieure. En nous coupant de certaines réalités extérieures, il peut susciter en nous un mouvement vers une « écologie intégrale », touchant autant le cœur, l’esprit, l’âme et le corps que la nature.»

Les effets psychologiques du jeûne

La privation de nourriture a des effets sur le corps, qui n’échappent pas à l’esprit. Si les études qui se sont penchées sur la pratique du jeûne alimentaire restent peu nombreuses et le plus souvent expérimentales, des effets psychologiques s’observent tout de même. «Au début du jeûne alimentaire, on constate notamment un sentiment d’énergie, une augmentation de la capacité de concentration et une amélioration de l’humeur, provoqué par un changement de certains neurotransmetteurs et la libération par exemple de sérotonine, d’opioïdes endogènes et/ou de dopamine, comme un mécanisme de protection du corps qui atteint ses limites», liste Chantal Martin Sölch, professeure de psychologie clinique à l’Université de Fribourg. Mais les effets psychologiques bénéfiques qui accompagnent les effets physiologiques ne durent pas. Après quelques jours, la fatigue et la baisse de l’humeur peuvent gagner du terrain.

Dans la période anxiogène que nous traversons, le jeûne est-il bon pour le moral? «Si vous vous engagez dans une telle démarche librement, à court terme, avec sérénité et que vous disposez de suffisamment de ressources, le jeûne est gérable, voire positif dès lors que l’objectif est de se ressourcer, et que nous en avons aujourd’hui besoin. Sans compter que de premières études indiquent que le jeûne pourrait avoir un effet bénéfique pour la dépression et des syndromes de douleurs chroniques. Si l’on est anxieux dès le départ, c’est à double tranchant. Car une telle démarche peut générer un stress supplémentaire», prévient la professeure.

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