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Les anti-bozailleurs, ces Africains qui s’érigent contre la migration clandestine

De plus en plus d’Africains dénoncent le phénomène de migration clandestine et appellent même l’Union européenne à durcir ses conditions d’accueil face aux migrants subsahariens. Qui sont-ils et quelles sont les raisons de leur engagement? Explications.
Rejoindre l’Europe n’est pas le rêve de tous les Africains. Loin des objectifs des caméras et des microphones, certains d’entre eux, jeunes pour l’essentiel, ont même depuis peu décidé de monter au créneau dans le but de dénoncer le phénomène de migration clandestine. Regroupés sous le terme d’anti-bozailleurs (nom généralement donné aux migrants africains qui veulent gagner l’Occident par le désert et la mer), ils en appellent également au durcissement des conditions de sortie d’un pays africain et au retour de tous les migrants clandestins africains présents en Occident.

Une démarche inhabituelle que ces jeunes, pour la plupart des repentis de l’immigration clandestine assument. «Nous avons consciemment fait le choix de sortir de l’ordinaire dans notre action, parce que nous croyons qu’aux grands maux, il faut de grands remèdes» explique Pierre Paul Moudanda, l’un des coordonnateurs congolais du mouvement. Leur objectif? «Mettre les jeunes Africains candidats à l’immigration clandestine face à leurs responsabilités, ainsi que leurs familles qui les y encourage», déclare-t-il encore.

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Les actions des «anti-bozailleurs» se concentrent premièrement sur les candidats au départ, qui sont de fait les principaux concernés de la chaîne de l’immigration clandestine. «Nous ne manquons jamais l’occasion de leur faire comprendre que l’immigration, et surtout celle par la voie du désert, est une aventure risquée et sans lendemain», précise Emilienne Tchatchueng, ancienne immigrée clandestine de nationalité camerounaise et responsable juridique au sein du mouvement.

Dissuader d’investir autrement

Pour plus d’efficacité sur le terrain, le mouvement dit recourir à certaines méthodes de travail que d’autres associations acquises à la même cause n’ont pas toujours. Par exemple, indique la responsable juridique du mouvement, «nous connaissons la majorité des gens qui détiennent l’itinéraire (expression utilisée pour désigner le plan de voyage clandestin, ndlr.) dans plusieurs pays et parfois ils nous signalent lorsqu’ils ont été contactés par un candidat au voyage. Et si c’est dans un pays où nous avons des contacts, on les active afin qu’ils l’en dissuadent.»

Au sein des «anti-bozailleur», on est bien conscient qu’il faut avoir une alternative à proposer à tous ces jeunes qu’ils dissuadent de ne pas prendre la route du désert. C’est le travail d’Amine Cissé Larba, de nationalité guinéenne et coordonnateur adjoint du mouvement. «On leur fait comprendre qu’il est plus avantageux pour eux d’investir ces sommes d’argent dans leurs pays d’origine afin de créer des activités rémunératrices», expose-t-il.

En effet, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il fallait compter il y a quelques années encore entre 800 à 1700 euros par tête pour une traversée en mer. L’institution précisait que ladite somme n’incluait pas les dépenses faites pendant le périple jusqu’au jour de la traversée.

Pressions familiales

Outre les candidats à l’immigration clandestine, l’action des «anti-bozailleurs» s’articule aussi autour des familles, où «l’on perçoit et entretient l’idée de l’Occident comme un Eldorado», regrette Emilienne Tchatchueng. «Je connais des migrants qui refusent de retourner dans leur pays d’origine par ce qu’ils ont peur du regard de leurs familles», avoue-t-elle.

Une pression familiale dénoncée par le mouvement qui n’hésite pas à mettre en contact, quand il le peut, certains migrants avec des membres de leurs familles. Le but visé est «qu’elles soient confrontées à la vie que mènent leurs enfants dans ces pays», souligne Emilienne Tchatchueng. «Après ces conversations, plusieurs familles nous ont demandé de leur venir en aide afin de favoriser le retour au pays de leur progéniture», se satisfait-elle.

C’est l’aspect du combat qui, de l’aveu même des «anti-bozailleurs», leur attitre le plus de représailles et d’inimitiés. «Chaque fois que nous mettons l’accent sur ce point, nous sommes traités d’extrémistes et d’ultra-nationalistes. D’autres encore nous traitent carrément de racistes», affirme Amine Cissé Larba. Il se souvient d’ailleurs que « plusieurs partenaires avec qui nous collaborions au début de cette aventure ont quitté le navire depuis que nous avons axé notre discours sur la démystification de l’immigré et la valorisation des réussites locales.»

Démystifier l’Eldorado

Malgré ces désertions, les «anti-bozailleurs» n’ont pas changé leur fusil d’épaule. «Ici on surévalue trop souvent la réussite du frère, du cousin, de la sœur ou de la cousine qui vit en Occident», dénonce Amine Cissé Larba. «Les familles restées Afrique ne connaissent pas toujours l’origine véritable de l’argent qu’elles reçoivent de ces derniers et avec lequel elles se construisent des maisons ou s’achètent des voitures», déplore-t-il.

A son avis, «le fait de polariser toute l’attention sur le membre de la famille qui a clandestinement voyagé vers l’Occident, construit et nourrit le rêve de voyage dans les esprits de tous ceux qui sont restés au pays». Dès lors «même s’il faut risquer sa vie en empruntant le désert et puis le bras de la Méditerranée qui sépare l’Afrique de l’Europe, on est prêt à le faire», souligne-t-il. Raison pour laquelle «le volet de la démystification de l’immigré a été introduit dans notre action. Afin que l’immigré clandestin ne soit plus perçu comme un modèle de succès et que les jeunes en Afrique ne s’en inspirent plus du tout», explique Amine Cissé Larba. «Cela nous vaut ce que cela nous vaut, mais nous croyons que notre plaidoyer est juste et cohérent», se défend-t-il.

Valorisation des réussites locales

A contrario, le mouvement «anti-bozailleurs» appelle à la valorisation des réussites locales qui, au quotidien, œuvrent à la transformation du visage du continent africain. « Au Cameroun, par exemple, il y a un jeune qui fabrique des drones mais on n’en parle pas, alors que son parcours pourrait inspirer ses paires», s’étonne Pierre Paul Moudanda «Je ne crois pas qu’il soit un cas isolé, l’Afrique regorge d’autres potentiels, malheureusement qui sont sous l’éteignoir. C’est aux autorités compétentes d’en parler», martèle-t-il.

En célébrant les réussites locales et en les érigeant comme modèles au sein des sociétés africaines, les jeunes du continent vont petit à petit changer de regard vis-à-vis de leurs pays, soutiennent les «anti-bozailleurs». C’est pourquoi Paul Pierre Moudanda fait savoir que «ce n’est pas un leurre de dire aux jeunes de ne pas sortir et qu’ils ne peuvent réussir leur vie qu’ en Afrique».

«Mais que constatons-nous sur le terrain?», s’interroge-t-il. «Un éboueur, un chauffeur de taxi ou encore un agent de sécurité africain travaillant en Suisse, en France en Belgique est plus valorisé qu’un médecin ou un enseignant en fonction au Cameroun, au Tchad ou en Côte d’Ivoire.» Pour Pierre Paul Moudanda, c’est «une insulte aux années d’études et de sacrifices consenties à la formation d’un enseignant ou d’un médecin».

Une action éthique?

Le professeur Bitie Bilik est missionnaire protestant et par ailleurs enseignant de sociologie des organisations au sein de l’Université de Lomé au Togo. Son avis sur la démarche des anti-bozailleurs, dont il avoue suivre les actions est assez mitigé.

«Si dénoncer l’immigration clandestine est noble, je crois qu’il ne faut pas se tromper sur la cause de ce phénomène, et c’est l’erreur de ce mouvement», analyse l’enseignant. Pour lui, «en suivant le discours et la démarche des anti-bozailleur il y a un risque de dresser les Africains contre eux et mêmes contre les étrangers, car vous ne pouvez pas empêcher une personne d’aspirer à un mieux-être dans sa vie ou celle des siens», commente-t-il.

Et puis «la stigmatisation de l’immigré, qu’il soit clandestin ou régulier, est contraire à la volonté de Dieu qui recommande plutôt de lui faire bon accueil», explique le missionnaire protestant, citant la Bible: «Vous ne traiterez pas l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous, vous l’aimerez comme vous -mêmes (Lév.19:34).» Or, «il y a dans leur plaidoyer une volonté d’inciter les Occidentaux à rejeter les immigrés qui sont dans leurs pays», s’indigne le sociologue protestant.

Il s’interroge par ailleurs sur l’idéologie qui fonde l’essence de ce mouvement qui, selon lui, «joue avec le feu» en «cherchant à tout prix à radicaliser la question de l’immigration clandestine». Pourtant, «le radicalisme, et le repli sur soi sont aux antipodes de la vision de Dieu qui est le Père de tous » conclut le professeur Bitie Bilik.

Etiquette radicaliste

Les «anti-bozailleurs», un mouvement anti-migrations et radicaliste? L’étiquette ne les émeut pas du tout, précise leur responsable juridique, Emilienne Tchatchueng. «Nous assumons cette idéologie anti-migratoire des Africains en Occident et nous ne nous en offusquons pas outre mesure», répond-elle. «Pourquoi l’Afrique et les Africains n’ont -ils pas aussi le droit de se renfermer sur eux alors que les autres le font?» demande-t-elle. Et d’asséner: «Il est urgent que nous fermions nos frontières afin d’éviter à notre jeunesse toutes formes d’immigration», estime-t-elle.

Au sujet des allégations sur leur mouvement qui ne serait qu’une pâle copie des mouvements anti-migratoires de l’Europe, la réponse d’Emilienne Tchatchueng est sans appel: «Nous n’avons pas les mêmes valeurs, encore moins les mêmes objectifs. Nous ne sommes par nourris par la haine de l’étranger. C’est l’Africain qui est au cœur de notre combat et non l’étranger.»

Le discours est nouveau mais la cause noble, confient les «anti-bozailleurs». Ils croient «qu’avec du temps, la mayonnaise va finir par prendre», assure la responsable juridique du mouvement qui dit «être consciente de l’onde de choc provoquée par la démarche anti-migrationniste que prône leur mouvement».

Phénomène de mode, simple opportunisme ou véritable conviction? Seul l’avenir dira de ce qu’il en est véritablement du mouvement «anti-bozailleur».

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