Situation politique au Burkina Faso : le capitaine Ibrahim Traoré aux allures du capitaine feu Thomas Sankara?
Le 24 janvier 2022, le président démocratiquement élu en 2015 et en 2020, Rock Marc Christian KABORE, accusé d’incapacité face aux attaques terroristes, a été renversé par des militaires dirigés par le lieutenant-colonel Damiba Paul-Henri Sandaogo investi dans la foulée par le Conseil constitutionnel.
Huit mois après, la situation sécuritaire n’a pas évolué. Un second putsch est perpétré en moins de neuf mois. Le lieutenant-colonel Damiba est évincé du pouvoir le 30 septembre 2022 par son jeune frère d’armes, le capitaine Ibrahim Traoré pour « un recadrage de la Transition ». » Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste » a déclaré le jeune capitaine de 34 ans. Jusqu’à la date de sa prise de pouvoir, Ibrahim Traoré était le commandant du régiment d’artillerie de kaya, chef-lieu de la région du centre-nord, une zone à fort défi sécuritaire située à une centaine de kilomètres de la capitale Ouagadougou.
« Ibrahim Traoré, nouveau sankara de la jeunesse burkinabé ? »
C’est le moins que l’on puisse dire du plus jeune Chef d’État au monde, à en croire aux références à l’ancien président révolutionnaire Thomas Sankara assassiné en 1987.
Pour preuve, dès le 1er octobre 2022 , lendemain de son coup de force , le capitaine surnommé déjà « IB » avait fait levé le couvre-feu par voie de presse et invité » le vaillant peuple burkinabè à une veille patriotique, une mobilisation totale et constante afin de s’opposer aux forces obscurantistes « . Un appel suivi par la jeunesse burkinabé sortie massivement dans les rues de Ouagadougou, où le ressentiment contre la présence française grandit.
Désigné président du Burkina Faso à l’issue d’assises nationales,.il a prêté serment le 21 octobre 2022 dans une petite salle du Conseil constitutionnel en l’absence du corps diplomatique et de la presse. Le soir même, il nommait premier ministre, l’avocat Apollinaire
Joachim kyelem de Tambela, héritier de l’ex-icône révolutionnaire Thomas Sankara.
Le lendemain, le jeune capitaine déposait une gerbe en la mémoire de son devancier au mémorial de Thomas Sankara lors de la commémoration du 35e anniversaire de l’assassinat du père de la Révolution burkinabè. A cette occasion, il a reçu le « flambeau de la Révolution » de Thomas Sankara.
Sur le plan de la coopération bilatérale, » je sais que la France ne peut pas s’immiscer directement dans nos affaires » a déclaré Ibrahim Traoré avant d’ajouter que » Les Américains sont nos partenaires maintenant, mais nous pouvons aussi avoir la Russie comme partenaire ».
Pour se construire une légitimité popularité, le président du pays des Hommes intègres, a entamé une série de rencontres avec les forces vives de la Nation. Le trait commun de tous ses rendez-vous d’echanges, la vérité et rien que la vérité.
Les vérités de « IB » à la classe politique et aux organisations de la société civile
Face à la classe politique et aux organisations de la société civile, le capitaine Traoré a craché ses « vérités ». « Chacun doit prendre ses responsabilités et faire un mea culpa à son niveau » , et se demander » qu’est-ce que j’apporte à cette patrie? » a-t-il martelé en égrenant les maux qui minent la Nation burkinabè à l’épreuve du terrorisme. D’ailleurs, soutiendra-t-il, « beaucoup ignorent la situation dans laquelle le pays se trouve », fustigeant ainsi le comportement d’indifférence des burkinabé des grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Selon lui, l’état de déliquescence dans lequel se trouve le pays des hommes intègres est dû à la mauvaise gouvernance, à l’incurie de la classe politique, des OSC, de l’armée elle-même et de l’ensemble de toute la société. « Est-ce que tout le monde est conscient que le pays est presque perdu? » a questionné le président avant de répondre que » En tant que militaire, nous reconnaissons notre responsabilité, …l’armée a été politisée, elle a quitté même son fondement ».
Pour Ibrahim Traoré, les petits calculs doivent cesser et faire place à un sursaut patriotique pour sortir le Burkina Faso de l’impasse sécuritaire dans lequel le pays se trouve.
Engager 50 000 Volontaires de Défense de la Patrie ( VDP)
Pour lutter contre l’hydre terroriste dans son pays, un recrutement massif de 3000 militaires a été annoncé le 17 octobre 2022 par le ministère de la Défense.
La Brigade de Veille et de Défense Patriotique (BVDP) a quant à elle, lancé le recrutement d’une part de 15 000 Volontaires de Défense de la Patrie(VDP) devant être déployés après formation, sur le théâtre national de la lutte contre le terrorisme, et d’autre part de 35 000 autres Volontaires de Défense de la Patrie qui, eux, auront pour missions de protéger les communes.
Aux dernières nouvelles, dans un communiqué rendu public le jeudi 24 novembre 2022, la Brigade de Veille et de Défense Patriotique( BVDP), a indiqué avoir enregistré plus de quatre-vingt-dix mille (90 000) inscrits au recrutement des 50 000 volontaires de défense de la patrie soit 40 000 de plus que demandé.
Le capitaine Ibrahim Traoré qui s’est engagé à améliorer la situation sécuritaire de son pays à sa prise de pouvoir, a entrepris le 2 novembre dernier un voyage d’amitié et de travail au Mali. Avec son homologue malien Assimi Goïta, il a été question de renforcement de la coopération bilatérale et de mutualisation des moyens de combat entre les deux pays en proie aux attaques djihadistes depuis quelques années.
Dernier signal fort du jeune capitaine Traoré, garder son salaire de capitaine tout en étant Chef de l’Etat contrairement à son prédécesseur le Lieutenant-colonel Damiba qui avait procédé à une augmentation de son salaire et ceux des membres du gouvernement en dépit du contexte sécuritaire et économique difficile du pays. Pour le porte-parole du gouvernement, cette décision du capitaine vise à montrer « l’esprit de sacrifice qui doit habiter chacun des burkinabè » dans la situation de crise sécuritaire sans précédent que traverse le pays, a expliqué en substance Jean-Emmanuel Ouédraogo à la sortie du Conseil des ministres du 16 novembre 2022.
A 34 ans tout comme le capitaine Thomas Sankara à sa prise de pouvoir , le capitaine Ibrahim Traoré inspire espoir au sein de la population burkinabè en majorité jeune. » Pour ma Nation, je me battrai jusqu’au dernier souffle » a-t-il déclaré. Et de conclure » Au Burkina Faso, tout est urgent, on doit devoir aller vite » pour » faire en trois mois ce que nous aurions dû faire pour le reste de l’année « .
Emmanuel LANKOANDE
