Il y a eu également le mouvement appelé Les enfants de Dieu qui s’est implanté en Suisse romande et qui a connu des dérives, en particulier à l’encontre des femmes. Ce mouvement chrétien d’origine américaine a vu le jour en 1968 aux États-Unis, dans la mouvance des mouvements chrétiens qui souhaitaient s’inscrire dans une alternative au christianisme.
Les sectes dérivées d’une religion traditionnelle sont-elles plus difficilement repérables?
Effectivement, les groupes religieux qui s’inscrivent dans une religion historique bénéficient de la légitimité de celle-ci. Il est plus difficile d’admettre qu’il y a des dérives graves dans un groupe qui se rattache à une Église historique reconnue.
Comment la question des dérives sectaires est-elle traitée en Suisse romande?
En Suisse, tout groupe religieux a le droit de pratiquer ses croyances pour autant qu’il respecte le cadre juridique. Il faut donc qu’il y ait un délit pour que l’État intervienne. Il est cependant nécessaire qu’une plainte soit déposée pour qu’elle soit traitée par les autorités judiciaires. Or souvent les personnes qui ont souffert de maltraitances au sein de groupes religieux ont des difficultés à en parler, et à les dénoncer.
En France, il y avait jusqu’à peu la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (le Milvudes), qui répertoriait ces mouvements. Il n’existe pas d’équivalent en Suisse?
En suisse, nous n’avons pas la même politique qu’en France. Ce sont les cantons qui ont la compétence des questions religieuses et non la Confédération. On a donc 26 systèmes différents. Mais aucune autorité cantonale n’a dressé de liste d’organisations religieuses ayant connu des délits.
Pour vous, la situation est-elle satisfaisante?
Une politique qui établirait un contrôle sur chaque organisation religieuse n’est ni souhaitable, ni envisageable. En revanche, mettre à disposition de la population des centres d’information spécialisé dans le domaine est indispensable. C’est ce qu’ont fait les cantons de Genève, Vaud, Valais et Tessin en avec la création en 2002 du CIC, qui offre des informations neutres sur les mouvements controversés et oriente les personnes en cas de besoin vers des centres spécialisés, comme les services de protection des mineurs ou les centres LAVI. Ceux-ci existent dans tous les cantons depuis les années 1990 et accueillent les victimes de violence en leur apportant un soutien psychologique et juridique approprié. Ceci dit, il serait également important de réfléchir à une politique de prévention en amont, c’est-à-dire directement au sein des communautés religieuses.
Justement, à quel moment peut-on parler de «secte»?
En Suisse, nous ne disposons pas de définition juridique et scientifique de que l’on appelle dans le grand public une «secte». Il convient donc d’abandonner cette vision dichotomique entre «bonne religion» et «secte» et d’adopter une autre grille de lecture qui tient davantage compte de la complexité de la réalité. Des dysfonctionnements, il peut y en avoir partout, dans tous les groupes religieux, y compris dans des communautés religieuses historiques. Ceux-ci peuvent être propres à un groupe, mais aussi à des personnes qui dysfonctionnent.
Vivre en communauté, donner de l’argent à sa communauté ne sont donc pas considérés comme des signaux suspects?
Non. C’est normal. De nombreuses communautés religieuses ne sont pas subventionnées par l’État. Elles ont donc des charges à payer, comme le loyer et l’entretien des lieux de culte ou les salaires et ces charges sont payées par les contributions des membres de la communauté. Une transparence financière est cependant indispensable.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui s’inquiéterait pour un membre de son entourage?
Il est important qu’elle s’adresse à des centres spécialisés dans le domaine, comme par exemple le CIC. C’est là qu’elle pourra savoir si ses inquiétudes sont fondées ou non. Et si c’est le cas, elle obtiendra des conseils sur les mesures à prendre.