Rechercher sur le site

Entrez les mots-clés dans la boîte ci-dessous :

Vous aimez nous lire?

Soutenez-nous !

SYRIE: UN AUTRE MALHEUR DANS LA TRAGEDIE SYRIENNE

Notre partenaire alépin, le Dr Nabil Antaki, a récemment écrit une lettre sur la situation actuelle en Syrie que nous reproduisons ci-dessous. Elle s’inscrit dans la continuité de son livre Les lettres d’Alep, co-écrit avec frère Georges Sabé et paru aux éditions L’Harmattan (2018).
Chers amis,

Quarante-cinq secondes ont suffi à mettre toute la population d’Alep dans la rue.

Ce message vous a fait du bien ? Soutenez la chaîne Chrétiens TV à partir de 5 euros par mois

Il était 4 h 17 du lundi 6 février 2023. C’était la nuit. Il pleuvait. Il faisait froid, 2 °C.

Et la TERRE TREMBLA. Des immeubles s’effondrent, d’autres bougent, surtout les étages supérieurs, les meubles dansent, les bibelots et tableaux tombent par terre, les vitres se brisent, des murs se lézardent, des pierres ou des bouts de ciments ou de plâtre tombent des murs ou des plafonds blessant les habitants ; les bouteilles d’huile, de sirop, de détergents sortent de leurs placards à la cuisine et se déversent sur le sol ; et surtout le bruit assourdissant, un bruit terrifiant, un bruit de portes qui claquent, de fenêtres qui s’ouvrent ; et ça a duré, duré, 45 secondes comme une éternité.

Les Alepins endormis se sont réveillés en sursaut : les enfants criaient, les adultes étaient terrifiés ne sachant pas ce qui se passe avant de réaliser que c’est un tremblement de terre (zelzal en arabe). C’est la panique. Les gens courent, descendent les escaliers, se bousculent, certains tombent et se cassent les membres… et tout le monde, deux millions de personnes, se retrouvent dans la rue en pyjama et certains pieds nus, sous la pluie et dans le froid. Des immeubles s’écroulent, des étages supérieurs tombent, des pierres pleuvent d’en haut blessant ou tuant des personnes réfugiées dans la rue.

C’est la pagaille. Ceux qui possèdent une voiture veulent fuir leurs quartiers pour aller se garer dans des terrains vagues sans immeubles autour… des embouteillages ralentissent la fuite. Les autres essayent de se réfugier dans des parcs publics, dans des églises ou des mosquées. Les grandes avenues et le périphérique sont, depuis, remplis de voitures garées le long des trottoirs avec des familles qui passent la nuit dans leurs autos. Des milliers de familles ont dressé des tentes dans tous les terrains vides et y vivent depuis le séisme. Les principaux stades sportifs d’Alep sont bondés de milliers de familles. Presque toute la population d’Alep est restée des journées « dans la rue ».

Nous avons appris plus tard que le séisme était d’une magnitude de 7,8 à l’échelle de Richter avec comme épicentre une ville du sud de la Turquie à quelque 100 km au nord d’Alep.

Moins d’une demi-heure après le tremblement de terre, nous, les Maristes Bleus, avons ouvert les portes de notre résidence pour accueillir ceux qui voulaient se réfugier chez nous ; nous avions lancé des appels sur différents réseaux sociaux et répondu à des dizaines d’appels téléphoniques pour dire « vous êtes les bienvenus chez nous ». En quelques heures, plus de mille personnes, de toutes confessions, transies par le froid, trempées par la pluie, tremblant de peur, criant, pleurant sont venues. Rapidement, nos bénévoles, accourus, ont distribué une boisson chaude, les quelques couvertures et matelas que nous avions ; il fallait réconforter, calmer, rassurer et écouter… et mettre les gens au chaud dans toutes les pièces de la résidence, y compris à la cuisine. Heureusement que les deux cours du couvent sont couvertes ; ceux qui n’avaient pas de place à l’intérieur se sont réfugiés là sur des chaises en attendant la levée du jour. Dès le matin, il fallait donner à manger à tous, faire la cuisine à mille personnes, donner du lait aux enfants, débrouiller des couvertures et des matelas pour tous et faire de la place pour tout le monde pour la nuit suivante.

À peine les gens étaient un peu plus calme qu’un deuxième séisme d’une magnitude de 7,7 survint à 13 h 24. Alep n’avait pas connu un tel tremblement de terre depuis 1822.

Dans les semaines qui ont suivi, de petites secousses ont eu lieu tous les jours semant l’effroi dans la population jusqu’au lundi 20 février quand une troisième secousse de magnitude de 6,3 survint à 20 h 04.

Le bilan de ce tremblement de terre s’élève, à Alep seulement, à 458 décès, plus de mille blessés, soixante immeubles effondrés et complètement détruits, des centaines d’immeubles non réparables à détruire, des milliers d’immeubles sévèrement endommagés inhabitables dans leur état actuel et des centaines de milliers de personnes qui ne vivent plus chez elles. Même si, vu de l’extérieur, des immeubles sont intacts, beaucoup ne peuvent pas être habités parce que les fondations ou les cages d’escaliers ou les murs porteurs sont endommagés.

À part Alep, plusieurs autres villes syriennes ont été touchées en particulier Lattaquié, Hama et Jablé ; seize immeubles dans un même complexe se sont effondrés dans cette dernière ville tuant quinze médecins et seize pharmaciens.

Pendant plus de vingt jours, notre résidence a accueilli des centaines de personnes dont le nombre variait au gré des départs et des arrivées. Accueillir, recevoir, nourrir, vêtir (les gens n’avaient avec eux que les habits qu’ils portaient), traiter, offrir la possibilité d’un bain chaud avec de nouveaux vêtements et sous-vêtements, réconforter, s’occuper des enfants, organiser les dortoirs étaient nos tâches quotidiennes.

Beaucoup de familles sont restées chez nous parce qu’elles craignaient de rentrer chez elles s’attendant à un quatrième tremblement, d’autres avaient leurs domiciles fortement endommagés ou leurs immeubles complètement par terre. Nous avons, alors, créé un comité d’ingénieurs Maristes Bleus pour aller inspecter les appartements des déplacés. Si l’état de l’appartement est acceptable, nous rassurons les gens en leur demandant de rentrer chez eux. Si les logements sont inhabitables, nous leur louons un appartement pour un an, le temps de faire les réparations ou restaurations nécessaires. D’autres associations et les Églises ont fait de même.

Durant quatre semaines, nous avons interrompu nos projets habituels pour soulager les souffrances et assister les déplacés. Mais depuis une semaine, nous reprenons tout doucement nos activités malgré l’abattement de nos bénévoles et de nos bénéficiaires.

À part les bilan humain et matériel très lourd, le traumatisme psychique chez toutes les catégories d’âge est très important. Maintenant, trente-cinq jours après le séisme, les adultes et les enfants sont toujours choqués, angoissés, désespérés, ont des cauchemars et pensent que le pire est encore à venir.

Le Croissant rouge et de très nombreuses associations et sociétés caritatives se sont mobilisés, comme nous, pour venir en aide aux centaines de milliers de déplacés logés dans des centres d’accueil ; une mobilisation comme on n’en a jamais vue.

La solidarité et la générosité des autres villes syriennes à notre égard ainsi que celles de nos voisins du Liban et d’Irak ont été exemplaires.

De plus, les Syriens de la diaspora ont, dès le premier jour, organisé des collectes d’argent et de matériel et ont entrepris des initiatives pour nous envoyer des fonds.

Nos amis occidentaux ont fait de même avec une grande générosité. Sans oublier le rôle très important de nombreuses associations caritatives et de solidarité internationales, surtout chrétiennes, qui se sont dépensées comme jamais pour répondre à nos besoins essentiels.

Des pays amis ont envoyé de l’aide et des équipes de déblaiement des décombres ou des équipes médicales. Une centaine d’avions ont atterri à l’aéroport d’Alep venant du Maroc, de Tunisie, d’Algérie, de Jordanie, d’Égypte, du Venezuela et même du Bengladesh pour ne citer que quelques-uns. Puis, l’aéroport d’Alep, où atterrissaient les avions qui amenaient de l’assistance, a été récemment bombardé par nos voisins du Sud le rendant impraticable !

Alors que des centaines d’avion occidentaux ont amené des secours en Turquie, un seul avion européen a atterri en Syrie. Quelle honte !! Les gouvernants des pays des droits de l’homme et de la « démocratie » étaient-ils convaincus que la population sinistrée de Syrie souffrait moins que celle de Turquie parce qu’elle vit dans un pays sous sanctions ? Ne pouvaient-ils pas mettre de côté leurs sanctions pour apporter une assistance humanitaire à une population souffrant d’un désastre naturel ? C’est pour le moins scandaleux. Ces pays prétendaient, depuis des années, que l’aide humanitaire et les équipements médicaux étaient exemptés de sanctions. D’abord, en réalité, ceci n’est pas vrai. D’autre part, si cela était vrai, pourquoi ont-ils allégé les sanctions, pour 180 jours, pour l’aide humanitaire si elle était déjà exemptée ?

Heureusement que les hommes et femmes de ces pays ont réagi autrement que leurs gouvernants et ont été d’une solidarité et d’une générosité exemplaires.

Ces sanctions, imposées unilatéralement depuis plus de dix ans par les pays occidentaux sur le peuple syrien et la Syrie sont inefficaces et injustes ; elles ont appauvri la population qui souffre d’une crise économique très grave faute d’investissements extérieurs interdits par les sanctions.

Elles nous font souffrir en mettant un embargo sur beaucoup de produits, ce qui occasionne une pénurie de fioul, d’essence, de pain et d’électricité.

Elles tuent : la plupart des immeubles effondrés lors du séisme étaient fortement endommagés par la guerre mais étaient habités par des gens qui n’avaient pas d’autres choix ; ces immeubles (et il y en a des dizaines de milliers) n’ont pas pu être reconstruits parce que la reconstruction est interdite par les sanctions ; sans parler des dizaines de personnes ensevelies vivantes sous les décombres et mortes parce qu’elles n’ont pas été secourues à temps, faute de machinerie lourde pour déblayer.

Comme aujourd’hui, le 15 mars 2011, il y a douze ans, ont débuté les évènements en Syrie : la population syrienne a assez souffert depuis et elle est à bout. Les années de guerre, les sanctions et la pénurie, la crise économique, le Covid-19, le choléra et maintenant le tremblement de terre. Que de malheurs sur un pays qui, jadis, était beau, prospère, sûr et souverain.

Quarante-cinq secondes ont suffi à mettre toute la population d’Alep dans la rue ; une population déjà à terre après douze années de tragédie et de malheurs. Mais le peuple syrien est un peuple fier et digne, même dans l’adversité. Il ne demande rien d’autre que de pouvoir vivre, de nouveau, normalement, en paix.

Aidez-nous à faire lever les sanctions !

Merci pour votre amitié et votre solidarité.

Pour les Maristes Bleus :

Dr Nabil Antaki

L’auteur, le Dr Nabil Antaki, dirige le mouvement des Maristes Bleus en Syrie. Il est l’un des partenaires de longue date de CSI. Le frère de Nabil Antaki a été tué par l’État islamique (EI), le reste de sa famille et la plupart de ses amis ont quitté le pays. Son épouse Leyla et lui sont déterminés à rester dans le pays pour « semer l’espoir ».

Chrétiens TV

Les commentaires sont fermés.

 
        
                    
     

ACTUALITÉ CHRÉTIENNE

Kabala s'apprête à fêter Pâques pour la première fois.
CHRÉTIENS DU CAMEROUN

LES ARTICLES LES PLUS LUS